Loire sauvage – Louis-Marie Préau et Philippe Huet

Avant de s’apaiser, de s’élargir, d’être adulte et de se jeter ensablée dans l’immense océan, la Loire est quelque peu bohème.

Là-haut, dans le Massif central, elle naît au pied du mythique mont Gerbier-de-Jonc, à 1 550 mètres d’altitude. D’abord simple petit torrent aux sources multiples, ses eaux vagabondent ensuite à travers les roches volcaniques, mémoire des chocs monstrueux qui eurent lieu dans le Velay, il y a plus de huit millions d’années. Intrépide, mais encore soumise au minéral, elle épouse le basalte, force son allure au coeur de gorges sauvages, joue de cascade en cascade, et se faufile au pied des hautes falaises granitiques du proche Vivarais. Le rare faucon pèlerin, le milan royal et le grand corbeau sont les hôtes de ces lieux hors du temps.

Plus loin, toujours louvoyant entre basalte et granit, elle se déroule en d’étroits méandres, entraînant avec elle les galets polis au fil des millénaires. C’est sur les berges étroites de cette Loire fougueuse que la loutre élit domicile, en compagnie d’un oiseau de la taille d’un merle, le cincle plongeur, dont la particularité est de se nourrir au fond des eaux vives. Le décor de la haute vallée est brut comme la pierre qui lui sert d’écrin : succession de défilés ciselés dans la roche, gorges somptueuses, sauts, rapides et remous. Le fleuve en devenir semble ici prendre son élan, juste avant les plaines.

Un jour, ces gorges sauvages ont en partie failli disparaître. Un tremblement de terre ? Un éboulement ? Une éruption ? Non. Un simple barrage.

Dans cette haute Loire, au début des années 1980, on imagina l’édification d’un barrage, celui de Serre-de-la-Pare. Cette retenue de quatorze