Le cabinet des dessins : Prud’hon – Sylvain Laveissière

Artiste secret, Prud’hon (1758-1823) bâtit son univers poétique autour de quelques thèmes, l’Amour, le Plaisir, l’Innocence, la Nature, la Sagesse, et leur contraire, la Richesse, qu’il ne connut guère. Tandis que David réformait la peinture d’histoire avec une succession de chefs-d’œuvre héroïques, lui chantait le sentiment sur le mode de l’allégorie. Son époque consentit une place à part à ce rêveur, qui fut reconnu à l’âge de cinquante ans, et demeure comme l’auteur du « Portrait de l’impératrice Joséphine » et de « La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime ». Rattaché au Romantisme puis au XVIIIe siècle, il apparaît aujourd’hui comme l’une des figures majeures d’un néoclassicisme enfin considéré dans sa diversité.
Au-delà des appartenances, fluctuantes, il est un domaine où la grandeur de l’artiste s’impose à l’évidence : le dessin. On connaît ses académies, corps de femmes et d’hommes que la magie des crayons noir et blanc fait surgir du papier bleu, avec une présence sensible et sensuelle unique en son temps. On découvrira sans doute l’étonnante variété de registres d’un créateur qui, tel les grands maîtres de la Renaissance, aborda tous les domaines relevant du dessin, de l’illustration à la peinture d’histoire et de l’estampe au portrait. Adaptant technique (plume, lavis, crayons) et mode d’expression (pointillé, hachures, estompe) à la spécificité de chaque propos, son art n’en conserve pas moins une unité singulière, où la puissance plastique s’unit à la grâce, dont il fut proclamé le maître, à l’image de Corrège.
Prud’hon déclarait de Léonard de Vinci : « C’est là mon maître et mon héros ! ». Il appartient de fait à la lignée des artistes poètes, profondément attachés aux valeurs sensibles (en quoi son époque le tint pour suspect) et à la réflexion de son art.