Venise – Aquarelles de Turner
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ON arrive à Venise comme, après tous les méandres de l’insomnie,on finit par descendre sur la plage d’un songe.
On vole vers Venise comme à un rendez-vous d’amour. La hâte du désir fait compter les minutes lentes. On désespère de toucher au bonheur. La ville ne paraît pas. Rien ne l’annonce. On la cherche au Levant. On s’attend à en voir quelque signe, et su le ciel flotter les pavillons de la chimère. L’horizon, où elle se dérobe, est un infini muet, miroitant et désert. Parfois, on a cru découvrir une tour, un clocher sur la plaine marine; mais on doute du mirage salin. Est-ce la mer? est-ce la terre ferme? ou plutôt, quel mélange fluide, quel transparent accord des deux pâtes sur la palette.
Tout est ciel; C’est le ciel immense des salines, une vasque de rose et d’azur tendre, un océan de nacre, qu’irise, çà et là, quelque perle de nuage. On appelle la mer, et on l’a au-dessus de soi, ce firmament tranquille. Puis, le crépuscule rougit. Une tache de sang coule sur la voûte et s’étend vers la terre. Venise n’apparaît toujours pas. Elle est là-bas, pourtant, dans l’ombre lucide, d’un violet si délicat et si languissant qu’on pense au sourire de la volupté douloureuse.
André Suarès, Voyage du Condottière
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Description
Éditeur : Bibliothèque de l’Image
Dépôt légal : 1995
ISBN : 9782909808246
95 pages
Informations complémentaires
Poids | 670 g |
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